22 contre-vérités sur Hergé et son œuvre
« A l’heure des réseaux sociaux, de l’actualité en continu et du développement de l’intelligence artificielle, on parle de plus en plus de fake news et de débunkage. Circulant parfois dans le but de nuire, les fausses informations peuvent aussi découler d’un manque de connaissances, d’un témoignage défaillant, d’une source peu sérieuse, ou encore d’une hypothèse considérée comme une certitude. Le domaine de la Tintinologie n’échappe pas à ces erreurs. » (Patrice Guérin)
Hergé serre la main d’un Alfred Hitchcock honoré. Un enfant, accompagné de son grand-père, admire une momie précolombienne dans une vitrine de Musée. Les Dupondt semblent avoir saisi une bobine de film. Quick et Flupke, les ketjes de Bruxelles, poursuivent leur auteur pour lui demander une petite dédicace ou un simple autographe. Salvador Dali observe circonspect ce petit monde. Voici la couverture multicéphale de Stanislas pour Tintin au-delà des idées reçues, livre signé du tintinologue Patrice Guérin. En vingt-deux chapitres, l’auteur va démonter, comme l’annonce le sous-titre, vingt-deux contre-vérités sur Hergé et son œuvre. Tout au long de l’ouvrage, nous allons naviguer entre les vies privées et professionnelles de l’auteur, reconnaissant avoir parfois été soi-même pris parfois au piège par des fake news.
Chaque chapitre commence par exposer une idée reçue avant de la démonter en présentant la réalité. Chacun se conclut par des conseils de lectures qui ont aidées l’auteur à la rédaction de l’article. Commençons par un petit tour chez Georges Remi, sans accent sur le « e », c’est Reu-mi et non pas Rémi. Il était un mauvais élève en dessin. Il l’a déclaré lui-même dans le documentaire Moi, Tintin en 1974. Il le répètera à Jacques Chancel dans Radioscopie et à Numa Sadoul dans ses entretiens. Ses bulletins scolaires démontrent le contraire. Alors, fausse modestie ou souvenirs flous ? Le doute subsiste.
Hergé allait au cinéma et admirait Hitchcock. Le romancier Bob Garcia et d’autres soi-disant spécialistes attribuent des références erronées dans les œuvres du dessinateur. Pour preuve, certains films sont postérieurs aux scènes prétendument influencées. Pourtant, Hergé avoua à Benoît Peeters en 1982 avoir fort vu fort peu de films du réalisateur et en découvrir seulement maintenant à la télévision.
A la Libération, Hergé, accusé de collaborationnisme pour avoir publié dans Le Soir, pu retrouver du travail grâce à Raymond Leblanc. C’est en réalité un certain Pierre Ugeux qui lui annonça en septembre 1945 que l’un de ses amis André Sinave avait pour projet de relancer en le modernisant Le Petit Vingtième. C’est plus tard que Hergé rencontrera Leblanc.
Patrice Guérin s’attache aussi évidemment au contenu de l’œuvre. L’île noire d’Hergé se situerait en réalité sur la Côte d’Azur. La rumeur est lancée par le journaliste de France Bleu Provence Jean-Pierre Cassely, trouvant flagrantes les ressemblances entre les images d’Hergé et les photographies de l’île d’Or. Une autre rumeur la situe en Bretagne, une troisième en Vendée. Or, durant la décennie des années 30, Hergé n’a guère voyagé en France, hormis en Forêt-Noire et dans les Pyrénées.
Selon les sources, la Castafiore aurait été inspirée par Ninie, une tante de l’auteur, aux puissantes percées vocales, ou par Florence Foster Jenkins, la richissime américaine qui louait des théâtres pour se produire sur scène et qui chantait à faire pleuvoir. Or, jamais dans les albums, Bianca ne brise du verre. En fait, la cantatrice est simplement jugée par des profanes. Guérin clôt ce chapitre en rappelant l’hypothèse d’Albert Algoud selon qui la Castafiore serait un homme.
On s’attardera plus curieusement sur Tintin et le Thermozéro, scénario de Greg, le créateur d’Achille Talon. Faux. Il a simplement débloqué Hergé dans un scénario se prenant les pieds dans le tapis. Greg a néanmoins trouvé le concept du produit qui donnera le titre à l’histoire. Celle-ci ne verra pourtant jamais le jour.
Le livre de Patrice Guérin fourmille d’autres anecdotes plus passionnantes les unes que les autres, pour mieux se replonger par la suite dans les albums du reporter. Quand on a fini de lire Tintin, on peut recommencer à lire Tintin. On y trouvera toujours quelque chose de nouveau.
One shot : Tintin au-delà des idées reçues
Genre : Analyse d’œuvre
Auteur : Patrice Guérin
Éditeur : Les impressions nouvelles
ISBN : 9782390701156
Nombre de pages : 208
Prix : 18 €