Ich bin ein Jacobser
« -By jove, où ai-je fourré ce maudit appareil ?
-Est-ce cela que vous cherchez, old chap ?
-Francis, mon ami, vous sauvez mon expédition !
-Qui osera prétendre que la distraction des savants est un mythe ?
-Quelle expédition, au fait ?
-Je pars demain. Les monts Irendik. Vous connaissez ? »
Le professeur Mortimer vient de recevoir son visa diplomatique. Il va pouvoir partir pour les monts Irendik, dans l’Oural, au nord du Kazakhstan, aux marches de l’Europe et de l’Asie, au cœur de l’empire soviétique. Il y est attendu par Olga Mandelstam, une vieille amie qui a besoin de ses compétences en archéologie. La cité d’Arkaïm pourrait être plus ancienne que la pyramide de Khéops. Ce serait une découverte archéologique sans précédent. Le professeur n’a pas peur de se rendre à l’Est. Ses démêlés passés avec le KGB ne lui ont apparemment pas servi de leçon. Blake, quant à lui, se rend à Genève. Il y est reçu sur un bateau par le Général Carver avec d’autres confrères des services secrets. L’ordre du jour est la mise au point des derniers détails de l’opération Prince. Le président des Etats-Unis, John Fitzgerald Kennedy, vient passer huit heures à Berlin. Il va falloir assurer la sécurité de la visite.
Une fois n’est pas coutume. L’histoire sert à parts égales Blake et Mortimer. L’album se divise clairement en trois parties. Dans les deux premières, imbriquées, on suit Mortimer d’un côté et Blake de l’autre. Ils se retrouveront pour un final… historique. On ne savait pas que nos camarades du Centaur Club étaient présents à Berlin le jour du fameux discours dans lequel Kennedy prononça sa célèbre phrase : « Ich bin ein berliner ». José-Louis Bocquet et Jean-Luc Fromental ont concocté un récit d’espionnage haletant. Olrik tient un rôle effrayant. Tel un Hitler dans son Nid d’aigle, il est plus redoutable que jamais.
Antoine Aubin, peut-être le meilleur repreneur de Jacobs, réalise un impeccable album dans la plus pure tradition de la ligne claire. Il s’amuse avec un casting aux clins d’œil cinématographiques. Le professeur Kranz est joué par Peter Van Eyck, célèbre acteur chef des services secrets dans L’espion qui venait du froid, et qui a aussi joué le Docteur Mabuse dans les années 60. A l’aéroport de Moscou, un colonel est campé par un Vladimir Poutine. Alfred Hitchcock apparaît en caméo comme à son habitude dans ses films. Il y a même un infirmier de service, au « physique dissuasif », joué par Jean-Luc Fromental. Enfin, JFK tient son propre rôle. Les scénaristes multiplient les références. Si celle à Orange mécanique est flagrante (Pauvre Mortimer !), celle au film Volte-face de John Woo est plus subtile (affaire de changements de visages). Une scène de poursuite en voitures fait référence à L’affaire Tournesol. Tout ça ne sont que quelques exemples.
Ces heures à Berlin en compagnie de Blake et Mortimer sont une délectation. Après le plutôt décevant Dernier Espadon, nos héros sont de retour comme en 50. Un des meilleurs albums de la série de l’ère post-Jacobs. On attend à présent un nouveau Sente/Juillard dont l’action restera dans la perfide Albion.
Série : Blake et Mortimer
Tome : 29 – Huit heures à Berlin
Genre : Espionnage
Scénario : José-Louis Bocquet & Jean-Luc Fromental
Dessins : Antoine Aubin
Couleurs : Laurence Croix
Éditeur : Dargaud
Collection : Blake et Mortimer
ISBN : 9782870972366
Nombre de pages : 64
Prix : 15,95 €