Une pour toutes, toutes pour une
« -Et tu voudrais me faire croire que vous êtes mes cinq autres personnalités ?!
-Plutôt que nous sommes six personnes dans un même corps…
-Ouais, ne te prends pas pour le centre du monde, Blondie.
-Elle ne nous croira pas ici : c’est son monde.
-Nous devons partir… à la recherche de notre meilleur ami qui est coincé dans une forteresse loin d’ici; Et nous avons besoin de toi. »
Elle, c’est son prénom, est une lycéenne à priori comme les autres. Adolescente en pleine construction, elle a sa petite bande de potes : Otis, garçon mignon et aux idéaux idéaux, Line, la copine rêveuse, Farid, dandy extraverti, et Maëlys, la confidente. Elle est plurielle. Plusieurs personnalités cohabitent en Elle. Ces personnalités prennent vie au travers de ses cinq alter egos qui se manifestent. Blonde maîtrise les situations et fonce comme un bélier. C’est une combattante. Brune, à la fois introvertie et à l’écoute de l’autre, est la timidité incarnée. Verte a du recul. Elle est muette et réfléchit avant d’agir. Violette est une boule d’humour. Rose a une personnalité nuancée, à l’équilibre entre défauts et qualités. Il y a aussi Bleue. Mais avec Bleue, c’est plus compliqué. Bleue prend un malin plaisir à fragiliser Elle en la faisant changer de personnalité à de mauvais moments. Et puis il y a cette voix qui se fait entendre et qui pourrait peut-être unir les différentes Elle(s) en une même harmonie. Mais pour l’atteindre, il va falloir s’entraider et avancer toute(s) ensemble pour passer les épreuves de la vie.
« Elles » est l’histoire poignante d’une adolescente du XXIème siècle en proie à des tourments causés par un corps et un cœur qui se transforment et une société qui oblige à avancer à un rythme effréné. Kid Toussaint cueille ses lecteurs au plus profond, comme si pour lui ils étaient des let-coeurs, Qu’ils soient adolescents comme Elle et ses amis, ou adultes, Toussaint écrit ses histoires, et en particulier celle-ci, afin que chacun se sente concerné. D’ailleurs, des adultes, dans Elles, il n’y en a pas ou quasiment. On pourrait se demander pourquoi. Serait-ce pour préserver une intimité adolescente ? Pour montrer qu’il n’y a pas de porosité entre les deux mondes ? Rien de tout cela, bien au contraire. C’est plutôt pour déculpabiliser les parents, leur expliquer qu’ils n’y sont pour rien dans les difficultés de leurs enfants qui vivent une époque charnière de leur existence, au gré d’événements ou de rencontres. Il suffit d’être un jour au mauvais endroit pour que la vie bascule.
« Entre deux eaux,
Entre deux rivages,
Battue par les flots,
Cherchant mon visage.
Dans cet océan,
Ce ciel sans étoiles,
Un navire sans voile,
Un avion sans ailes,
Ignore laquelle
Appeler maman.
Je suis désolée… »
Quand on a vécu le drame de la page 61, quand on a lu quasiment le même mot laissé sur une table basse après une tentative avortée, on sait que l’on aura beau avoir déplacé des montagnes, il est des murs qu’on ne peut franchir seul(s). Nul ne connaît la solution pour y arriver. Si seulement les médecins se rendaient compte qu’il y a autant d’urgence à traiter le mal-être des jeunes que les cancers, nombre d’entre eux pourraient être sauvés. Katrina et tant d’autres, trop, ne liront pas cet album parce qu’ils n’ont pas eu le temps d’attendre. Kid Toussaint leur dédie cet album dans lequel il aborde sans tabou la schizophrénie, les troubles borderline, l’hypersensibilité, l’hyperémotivité, les dérives et les dégâts causés par les commentaires sur les réseaux sociaux, ainsi que le suicide. Donnant une force sans commune mesure à ses lecteurs, il leur explique que chacun a le droit et le pouvoir de faire ses choix, en libre arbitre avec soi-même.
Avec poésie et couleurs, couleurs que Katrina aurait tant aimées, Aveline Stokart conclue cette trilogie au fil de laquelle son trait s’est affirmé, a acquis de la souplesse et de l’émotion. Ce troisième tome comporte quelques compositions remarquables comme la chute dans l’océan, les sables mouvants ou toute la scène de la piscine. Stokart a l’avenir, ou plutôt l’Aveline, devant elle. On a déjà hâte de la retrouver sur un autre projet.
Désormais, Katrina et toutes les jeunes filles qu’elle représente vivent à travers Elle(s). Que Kid Toussaint et Aveline Stokart en soient infiniment remerciés. Parce qu’elle démontre qu’il y a de la lumière au bout des tunnels sombres, si cette histoire permet de sauver ne serait-ce qu’un ou une seule ado, Elle(s) aura atteint son but.
Série : Elles
Tome : 3 – Plurielle(s)
Genre : Emotion
Scénario : Kid Toussaint
Dessins & Couleurs : Aveline Stokart
Éditeur : Le Lombard
ISBN : 9782808206181
Nombre de pages : 96
Prix : 13,45 €