Comme un passage de témoin
« -Vous faites quoi, là ?
-Ah… Euh, eh bien… J’avais, comme vous, la tête dans les étoiles !…
-Hmm… Vous avez lu mon livre ?
-« Je veux savoir si je peux réussir à toucher le centre de ma propre tristesse. »
-Surprenant !…
-Oui. Mais ça ne veut pas dire que j’ai tout compris.
-Vous… Vous faites quoi dans la vie… Je veux dire, comme travail ? »
Camille est serveuse dans un bar. Le boulot ne lui plaît pas plus que ça. Alors, une fois qu’elle a quitté les lieux et les clients alcoolisés, elle rentre chez elle et lit. En ce moment, elle lit La tête dans les étoiles de l’écrivain Roland Mars. Elle sait où il habite et passe pas mal de son temps libre sur un banc en face du gigantesque mur d’enceinte de la maison du philosophe qui, dans son dernier ouvrage, revient sur son parcours de vie et sur l’idée de supranationalité et d’internationalité de l’esprit. Ce questionnement intéresse fortement Camille qui n’a pas connu son père, décédé dans un accident. Un beau jour, ou plutôt un beau soir, Camille et Roland vont se rencontrer. L’écrivain lui propose de l’employer pour du ménage et autres travaux dans son immense maison durant un mois, mais il y a un certain seuil à ne pas dépasser. Camille n’a pas le droit d’aller partout. Si tout se passe bien, Mars devrait l’aider à trouver les réponses à ses questions métaphysiques.
Celle qu’il n’attendait pas fait partie de ces one shot au titre énigmatique et à l’ambiance mystérieuse qui ne doivent pas passer inaperçus. Cette histoire signée Makyo entre dans cette catégorie de thriller psychologique dans lesquels on avance comme un funambule sur son fil, penchant tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, en prenant garde de ne pas tomber. On ne sait jamais si le fantastique qui montre le bout de son nez est une réalité ou une vue de l’esprit. Makyo nous invite dans une micro-balade au bout du monde. Si cet album était paru à la même époque, c’est-à-dire il y a une quarantaine d’années, il aurait été le premier tome d’une série.
Pour rester dans le thème de la balade, le dessinateur Luca Casalanguida est de la filiation d’Eric Herenguel qui avait lui-même repris la balade, et du Rossi du Cycle des deux horizons, comme par hasard scénarisé aussi par Makyo. Le dessinateur italien avance dans cet esprit semi-fantastique, ajoutant au mystère ambiant des regards qui interrogateurs, qui tristes, qui violents, permettant de comprendre l’atavisme psychologique des personnages.
Celle qui n’attendait pas amène aux tréfonds de l’esprit dans une histoire ode à l’écriture, prouvant que les mots que l’on pose ne le sont pas sans raison. On a tous un héritage spirituel et un devoir de mémoire. Le tout est de savoir comment le faire ressortir. Makyo y arrive parfaitement.
One shot : Celle qu’il n’attendait pas
Genre : Emotion et mystère
Scénario : Makyo
Dessins : Luca Casalanguida
Couleurs : Marco Ferraccioni & Ilaria d’Angelo
Éditeur : Delcourt
Collection : Machination
ISBN : 9782413043409
Nombre de pages : 72
Prix : 16,95 €