Un goût de Dickens
« -Ça ne va pas être simple… A tous les coups, on va s’enfoncer dans la boue.
-Papy, regarde tous les oiseaux ! Ils ont dû trouver quelque chose à manger.
-Ils ont plus de chance que nous. «
A Hoboken, près d’Anvers, Nello Daas et son grand-père Johan reviennent de la ville avec leur carriole à mains. Comme tous les jours ou presque, ils ont vendu du lait sur les marchés. Mais quel est donc cet attroupement de corbeaux dans les hautes herbes ? Ils tentent d’achever un chien à l’agonie, abandonné par son propriétaire. L’animal est aussitôt adopté et baptisé Patrasche. Le trio vit dans le plus grand dénuement et la pauvreté. Leur voisin meunier est intraitable avec eux, ce qui n’est pas le cas de sa fille, Aloïse, très amie avec Nello. Les nantis n’ont rien à faire avec les gueux. Et c’est encore pire avec les riches citadins, comme les propriétaires des docks qui cherchent à agrandir leurs chantiers. Le jeune Nello a la fibre artistique. Sa passion est le dessin. Son rêve est d’entrer dans la cathédrale pour admirer les œuvres de Rubens, mais l’entrée est payante. Aura-t-il un jour l’opportunité de l’admirer ?
Quand l’on parle de contes de la fin du XIXème siècle, on pense inévitablement à Charles Dickens. Il aurait pu être l’auteur de cette histoire émouvante, dure et réaliste. Mais ce conte n’est pas signé par lui et ne se situe pas en Angleterre même si son autrice est britannique. L’histoire se passe en Flandres et c’est Marie-Louise de la Ramée, alias Ouida, qui signe ce drame en 1872 dans le roman A dog of Flanders. On y retrouve pourtant cette ambiance à la Oliver Twist, la pauvreté de la campagne ou de la rue opposée à la richesse des patrons dans leurs appartements luxueux. Il y a un peu également du Hector Malot dans cette aventure, sans (trop de) famille. Au-delà de ça, l’histoire est une ode à l’art, l’art qui permet de survivre même quand on est sans le sou, l’art qui ouvre sur la beauté du monde, ou ne serait-ce pas le monde qui ouvre sur la beauté de l’art ?
Le roman initial est adapté ici par Marc Legendre qui choisit comme incipit de mettre en scène Marie-Louise de la Ramée qui raconte l’histoire, se distinguant d’emblée de Dickens qui extrayait le charme, voire le comique, de la misère humaine. Elle nous prévient : l’histoire est dure, parfois insupportable. Le trait semi-réaliste de Griffo, natif d’Anvers, que l’on n’avait pas vu si appliqué depuis longtemps, va adoucir cette noirceur. Les couleurs de Shirow di Rosso vont soit rester dans le sombre, soit l’illuminer pour nous amener vers un final transcendant et émouvant.
On ne peut rester insensible à l’histoire de Nello et Patrasche. Et lorsque l’on a recouvré ses esprits après l’avoir refermée, on n’a qu’une envie : aller visiter la cathédrale d’Anvers et y admirer les œuvres de Pierre-Paul Rubens.
One shot : Nello et Patrasche
Genre : Conte
Scénario : Marc Legendre
D’après : Marie-Louise de la Ramée
Dessin : Griffo
Couleurs : Shirow di Rosso
Éditeur : Kennes
ISBN : 9782380757675
Nombre de pages : 104
Prix : 22,95 €