Du Fluide majuscule
« -Commandant Ledgard, l’ennemi est à nos portes et la situation est critique. Aussi le haut commandement a-t-il décidé, au vu de vos exploits, de vous confier une mission : la mission de la dernière chance. Pour sauver le monde, il vous faudra décoller à 12h exactes, déjouer la chasse ennemie qui nous encercle, sauter en parachute en territoire ennemi, vous procurer par n’importe quel moyen des explosifs, puis enfin atteindre votre cible : l’usine de traitement d’eau lourde, qu’il vous faudra saboter. Bonne chance.
-Impossible, mon colonel.
-Impossible ? Comment ça ?
-Si je bougeais, mon colonel, je détruirais instantanément les beaux plis que font mes manches. »
Février 1977. Le messie revient dans Fluide glacial sous la plume de Daniel Goossens qui, lui, y débarque pour la première fois. Jésus passe un entretien d’embauche à l’hôtel de la gare. Plus tard, il sera le héros du premier album de l’auteur dans la maison d’édition de Marcel Gotlib. Ce sera le premier d’une longue série. Depuis, entre personnages éphémères et héros récurrents, Daniel Goossens n’a jamais quitté les pages de Fluide. Entre récits complets et couvertures, cette anthologie propose un survol de son œuvre de ses débuts en 1977 jusqu’en 1990.

Les grands anciens présentent leur science mystérieuse, de la lumière des ténèbres au caca dans le pot. L’horreur est au rendez-vous avec les vampires de la grotte et les sortilèges du Comte Karlgraf, chauds, très chauds. Il y a de l’absurde dans les histoires de Goossens. L’auteur met très souvent ses acteurs en décalage. Les habitants de l’immeuble du guardian sont là pour le rappeler, ou plutôt Goossens est là pour le leur rappeler. Le petit Poucet étant décédé, c’est dans une rétrospective qu’on va le retrouver. Le Père Noël, lui, est bien vivant. Il prend un gorgeon au bar avant de reprendre sa tournée. Le cinéma avec Clark Gable, la musique avec les Beatles, la littérature avec San Antonio, Goossens tord et distord toute forme de culture.

Des couvertures d’albums et de magazines s’intercalent entre les histoires. L’enfer de la drogue, les plus grands héros peuvent y sombrer. C’est le cas de ce type avec une houppette qui se pique en couverture du Fluide n°21, scène qui fera bien sourire Hergé en personne. Si Goossens est un auteur si reconnu aujourd’hui, c’est aussi grâce à sa maîtrise de l’anatomie et, par conséquent, des plis des vêtements. Il résume ses techniques dans quatre pages de traité d’anatomie artistique se terminant par des disgressions autour de l’homme de Vitruve.
L’album fait quelques incartades à Fluide comme avec les « oubliés du progrès » issus de (A suivre) ou les hérissons sortis des pages du Psikopat. On apprend aussi que d’autres éditeurs ont repris des histoires en albums comme les éditions Bédérama avec Ga ou L’Association avec Adieu mélancolie.

Daniel Goossens est un auteur très souvent cité en référence par ses pairs, tout en restant quasi-inconnu des profanes. Avec une introduction de Boulet et les textes signés Nicoby et Olivier Monnaye pour une exposition à Quai des Bulles en 2024, cette anthologie est l’occasion de faire (re)découvrir la finesse de son humour et la précision de son trait.
One shot : Goossens – Anthologie de 1977 à 1990
Genre : Humour
Scénario & Dessins : Daniel Goossens
Éditeur : Fluide glacial
ISBN : 9791038208872
Nombre de pages : 112
Prix : 19,90 €



