Un grand Oui pour le Nô
« -Maintenant, je veux te voir danser. Tu ne danses jamais, toi. J’ai jamais vu un sarugaku de ma vie.
-… A quoi bon ? Je n’ai aucun talent. Pour les autres, apprécier un spectacle est une seconde nature. Voilà pourquoi ils s’y consacrent entièrement. Estimer la qualité est un talent à part entière. »
Japon, XIVème siècle. Oniyasha est né dans une famille d’interprètes. Pour son père, rien ne compte plus que la scène, tant et si bien qu’il ne remarque même pas son fils devant ses yeux. En voyant un groupe de paysans danser comme des forcenés parce que la récolte n’a pas été bonne et la fête annulée, Oniyasha se pose la question de l’utilité et du but de cet art, qui n’en était pas encore officiellement un. Attiré par un gémissement venu d’une maison isolée, le jeune homme s’y rend et découvre une femme dansant avec grâce. Cette danse l’émeut. Il s’étonne d’y être sensible. L’oiseau est fait pour voler, le poisson est conçu pour nager. Quel est donc l’utilité du corps de l’homme ? Oniyasha va analyser les effets des mouvements sur le corps afin d’en comprendre les secrets.
La femme mystérieuse qu’observe le garçon est une Shirabyoshi, une danseuse déguisée en homme, se mouvant au rythme de poèmes ou de chants populaires. Le nom désigne aussi le style de danse lui-même. L’artiste titube comme une ivrogne et chante en braillant d’une voix rauque. Et pourtant, une magie se dégage de ce spectacle. Ainsi va démarrer la quête de sens d’Oniyasha. Il a envie d’atteindre cet état de plénitude si différent des danses de son père et des siens qui ne le touchent pas. Lorsque la danseuse lui apprend que son corps est l’unique chose qu’elle possède et que son art est l’unique moyen pour elle d’exister en tant qu’être humain, il comprend la notion de don de soi.
Oniyasha est un personnage qui a réellement existé. Il sera plus tard connu sous le nom de Zeami et sera le créateur du fameux théâtre nô. Le nô mêle poésie et danse dans des drames lyriques. Un orchestre et des choristes accompagnent les acteurs. Depuis 2008, cet art est inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco. The world is dancing raconte l’histoire d’Oniyasha/Zeami et de son père Kan’ami. Celui-ci fit évoluer le saragaku, forme théâtrale qui adaptait des légendes traditionnelles. On verra dans la suite de la série comment son fils poursuivra et théorisera son travail. Kazuto Mihara s’empare de cet épisode primordial de l’Histoire avec un grand H du théâtre mondial dans un manga au lyrisme fascinant. Les yeux écarquillés du héros en couverture en disent long sur son état d’âme et sur l’émotion qui va s’emparer du lecteur au fil du récit.
La série comptera six tomes. Si 2023 a été l’année Le fils de Taïwan, paru chez Kana, au niveau Manhua, 2024 est bien partie pour être celle de The world is dancing dans le manga.
Série : The world is dancing
Tome : 1
Genre : Emotion
Scénario & Dessins : Kazuto Mihara
Éditeur : Vega – Dupuis
ISBN : 9782379504525
Nombre de pages : 192
Prix : 11 €